L'avenir appartient maintenant aux fondeurs de puces
Il y a seulement 5 ans le futur de l'informatique semblait encore tout tracé, avec d'un côté Intel et de l'autre AMD, qui promettait toujours un retour sur le devant de la scène. Depuis la donne a radicalement changé.
AMD a d'une certaine manière initié cette nouvelle ère sans que cela lui profite, en se débarrassant de son activité de fabrication de processeur, dévolue à une entité spécialement créée à cette occasion en 2009, GlobalFoundries. Elle prouvait qu'un fabricant majeur de processeur pouvait devenir "Fabless", sans usine de production.
L'autre facteur majeur, certainement le plus important de cette nouvelle donne, a été la percée fulgurante d'ARM, qui est devenu en une poignée d'années un acteur majeur de l'électronique grand public en s'installant durablement dans les smartphones et tablettes, segment sur lequel il n'y avait pratiquement rien auparavant et surtout pas Intel occupé à balayer AMD du segment des processeurs les plus puissants mais aussi gros consommateurs d'énergie.
Cette nouvelle donne permet de mieux dessiner l'avenir de l'industrie de la fabrication de processeurs. Il n'appartient dorénavant plus aux géants d'hier, qui étaient les seuls à savoir dessiner des puces efficaces, mais à tout le monde ou presque. En partant du design de base des puces ARM que l'on peut obtenir avec une licence, on peut faire fabriquer des puces fonctionnelles, ou à l'image d'Apple, qui a beaucoup investi dans ce domaine, créer des déclinaisons maison plus spécifiques et optimisées.
Maintenant que cette capacité de créer des designs de puces est largement accessible, le vrai pouvoir est déplacé ailleurs, il est entre les mains de ceux qui peuvent le fabriquer. La révolution a déjà commencé et Intel l'a anticipé. La société a commencé à produire des processeurs pour Achronix et Tabula et vient officiellement d'annoncer par la voix de son DG de Corée du Sud qu'elle va aussi produire à façon pour Cisco, un client au potentiel énorme, qui a besoin de quantités très importantes de puces spécialisées dans ses équipements réseau professionnels. Cela va donc devenir pour Intel un énorme business connexe à celui de la fabrication et vente de processeurs.
C'est compréhensible, sachant que les coûts de R&D pour gagner le moindre nm sont maintenant colossaux et de plus en plus difficiles à amortir.
Intel a une autre raison d'attirer des clients dans son escarcelle de fondeur de puces. Profitant aujourd'hui d'une confortable avance, la société peut vendre plus cher les puces ainsi fabriquées, gagner de l'argent, faire tourner à fond ses usines mais aussi priver les autres fondeurs de puces de ces clients. Eux aussi ont besoin de trouver de plus en plus de clients pour amortir les coûts de construction de leurs usines et commencent à se faire concurrence. Aujourd'hui, derrière Intel on trouve plusieurs fondeurs à façon, surtout TSMC et Samsung, UMC et GlobalFoundries ayant plus de mal à suivre.
TSMC est la société qui attire tous les regards. Après des débuts difficiles sur le 28 nm, qu'elle maîtrise maintenant, elle semble avoir réussi à combler son retard sur l'avenir. Ainsi, elle vient d'annoncer avoir en partenariat avec ARM (tiens tiens) réussi à produire la première puce fonctionnelle basée sur l'architecture A57 dans une gravure 16nm FinFet (nous y reviendrons dans une autre brève). C'est pour cette société et ARM la preuve éclatante que l'avenir est radieux pour elles, et certainement un nouvel appel du pied à Apple, qui cherche à se débarrasser de Samsung.
Les prochaines années seront donc passionnantes et il est probable que l'on va assister non pas à une bataille d'Intel contre AMD, comme c'était le cas il n'y a pas si longtemps, mais à une guerre plus globale entre Intel et de l'autre côté (mais aussi concurrents) TSMC / Samsung et ARM avec tous ses clients.