Neutralité : une "optimisation" de SFR refait surface
Alors que la question de la neutralité des réseaux fait de plus en plus débat, Reflets.info a remis sur le devant de la scène une "optimisation" pratiquée par SFR sur ses réseaux mobiles à l'insu de ses abonnés : l'opérateur retraite certains contenus avant de les transmettre à l'utilisateur, principalement dans le but de réduire le volume à transférer.
Une pratique pas franchement nouvelle, que j'avais personnellement déjà constatée au printemps 2008, lorsque j'avais pour la première fois utilisé une clé 3G de l'opérateur. Sur les mobiles de l'époque, on ne le constatait pas forcément, mais sur un écran d'ordinateur, ça sautait aux yeux : toutes les images JPEG étaient recompressées, avec une compression plus forte, et donc une nette dégradation de la qualité de l'image. La seule alternative que j'avais alors trouvée pour obtenir des images dans leur qualité d'origine constatait à faire passer mon trafic web dans un tunnel SSH.
Aujourd'hui, il semblerait que l'opérateur aille encore plus loin dans ces pratiques d'"optimisation". En effet, il ne se contente plus de recompresser à la volée les images via un proxy transparent. Le journaliste de Reflets.info a en effet constaté que SFR modifie carrément le code HTML des pages web pour modifier les URL des images, de sorte que les requêtes sont envoyées directement vers les serveurs de SFR, et non plus vers les serveurs d'origine via un proxy SFR.
Pire, l'opérateur injecte dans le code quelques lignes de JavaScript, qui sont visiblement destinées en partie à des traitements spécifiques à YouTube, pour modifier certains paramètres du lecteur Flash.
Si l'intention de l'opérateur est éventuellement défendable (réduire le temps de chargement des pages), la façon de faire, elle, devrait être revue. En effet, en procédant ainsi, de manière automatique et sans possibilité de désactiver cette fonctionnalité, SFR peut induire une dégradation de l'expérience utilisateur, voir le bloquer dans certains usages, et ce, sans qu'il en soit clairement informé. De plus, procéder à l'insu de l'utilisateur peut rendre la pratique suspecte, puisque du coup SFR ne communique ni sur le détail des traitements effectués, ni sur leur finalité exacte.
On notera également que ce n'est pas la seule entorse de SFR à la neutralité. L'opérateur avait déjà été épinglé il y a quelques années pour l'usage de "DNS menteurs", des serveurs DNS qui, au lieu de ne pas répondre en cas de requête sur un nom de domaine erroné, redirigeaient l'utilisateur vers une page sponsorisée.
Il serait donc grand temps que le législateur se saisisse de la question de la neutralité en la protégeant par la loi, comme l'ont déjà fait le Chili, les Pays-Bas et l'Estonie. Le Conseil National du Numérique a d'ailleurs rendu il y a peu un rapport en ce sens, approuvé à l'unanimité par ses 40 membres. Dans le cas contraire, ces pratiques risquent de devenir de plus en plus courantes, et les opérateurs pourraient être tentés de pousser encore plus loin...