Une épée de Damoclès pour inciter France Telecom a respecter les règles de la concurrence
L'avenir se décide aujourd'hui. C'est encore plus vrai dans le monde des télécoms, particulièrement en ce moment. Les grandes campagnes de construction des réseaux de fibres optiques ont atteint leur vitesse de croisière. La durée de vie de ces réseaux sera d'au moins une cinquantaine d'années.
Pour les zones denses en population, cela a été dur, il a fallu réglementer, mais les opérateurs ont fini par tomber d'accord pour mutualiser les moyens.
Les problèmes risquent d'arriver lorsqu'il s'agira d'équiper les zones moins denses, les "zones blanches". À la campagne ou dans les petites villes, les investissements nécessaires sont aussi importants, mais la rentabilité très peu probable a court ou moyen terme. Les opérateurs "alternatifs" n'ont donc pas intérêt à investir. Après avoir refusé la création d'une entité constituée de tous les opérateurs, à parts égales, en janvier dernier, France Telecom a accepté des campagnes ponctuelles de "co-investissements" dans ces zones technologiquement déshéritées.
Cependant dans beaucoup de régions, restera comme seul acteur potentiel, le seul à avoir les reins assez solides et surtout à avoir déjà un réseau utilisable sur lequel la fibre pourra se greffer à moindre coût : France Telecom. Et s'ils sont seuls, on se retrouvera de fait dans une situation de monopole.
C'est cette crainte qui fait dire à l'Autorité de la concurrence que l'ARCEP devrait "entamer des travaux préalables à l'utilisation d'un nouvel élément de sa boite à outils : l'éventuelle séparation fonctionnelle entre les activités de monopole (le réseau) et concurrentielles (l'activité commerciale) de France Telecom". Les directives communautaires de 2009 donnent le pouvoir à l’Autorité de la concurrence d'imposer une séparation fonctionnelle à un opérateur jugé trop puissant.
Ces menaces à peine déguisées sont donc à prendre très au sérieux par France Telecom. L'opérateur historique n'a pas encore réagi officiellement, le service de presse nous a quand même répondu, ils se disent très étonnés par cette déclaration et insistent sur l'amalgame à ne pas commettre, au pire il ne s'agirait pas d'une scission de l'entreprise, mais d'une séparation entre deux domaines d'activités. Le fait est que juste après l'annonce des accords signés avec Free pour que celui-ci puisse utiliser son réseau 3G, France Telecom a de quoi être étonné.
De son côté l'ARCEP a calmé le jeu en déclarant que ce serait un "outil de dernier recours" à n'envisager que dans le cas ou des remèdes plus proportionnés auraient échoué.
Après une notification à la Commission européenne début avril, l'Autorité de régulation devrait amender ses projets pour tenir compte de l'avis de l'Autorité de la concurrence, et annoncer un nouveau cadre de régulations des marchés du haut et très haut débit d'ici à la fin du mois de mai.
Comme nous l'a confié un employé de l'Arcep en faisant une analogie avec la guerre froide, l'autorité de la concurrence montre qu'elle possède la bombe, mais c'est une arme de dissuasion. Le but c'est de ne pas avoir à l'utiliser. France Telecom est prévenu, ils devront particulièrement bien se tenir et respecter toutes les règles du marché.
Rendez-vous dans 18 mois pour le vérifier.