Où va Apple en France ?
L'affaire de la baisse forcée des marges de la FNAC que nous avons dévoilé vendredi a fait pas mal de bruit dans le monde Mac surtout parce qu'il vise à instaurer un nouvel ordre national dans la distribution physique des machines frappées de la pomme.
En gros aujourd'hui (il n'y a pas de chiffres publics) la FNAC est le premier revendeur national de produits Apple avec plus d'un tiers du volume global, suivi par le groupe Ebizcuss (iCLG), puis par les APR et pour finir par les autres revendeurs qui achètent en direct et des grandes enseignes comme Darty, Boulanger, Auchan... qui vendent du Mac de temps à autre.
Or, les premiers Apple Stores vont bientôt ouvrir, et il faut leur faire une place dans ce marché qui bien que loin d'être saturé reste hétérogène et mal structuré. Le but d'Apple est comme pour les marques de luxes de se démarquer des autres en préférant sélectionner au mieux les points où sont vendus leurs produits afin de les mettre en avant.
Ces manoeuvres ont commencé il y a deux ans avec d'un côté l'ouverture des Apple Shop au sein de la FNAC, magasins dans les magasins, et la reprise en main des Apple Centers qui ont été rebaptisés Apple Premium Resellers.
Cette politique de relance a été en grande partie un échec. Si les ventes de Mac ont augmenté, elles sont loin d'avoir suivi la croissance Américaine ou Anglaise et c'est certainement ce qui a incité Apple à faire de la France un pays prioritaire à l'ouverture de des propres boutiques. Aux dernières nouvelles, ils comptent en ouvrir 20 à 30, dont au moins 4 à Paris, et dans ce contexte les partenaires d'aujourd'hui seront les adversaires de demain.
Et c'est là que la nouvelle politique d'Apple entre en jeu. En fait, elle n'a rien de réellement nouveau, mais l'ouverture d'Apple Stores leur permet d'être en position de force:
- Affaiblir la FNAC en baissant ses marges alors que la demande de Mac reste forte, quitte à perdre des ventes le prix des machines étant plus élevé. Mais comme Apple remboursait une partie de la ristourne accordée ils ne perdront pas tant que ça en bénéfice. Le but est aussi de dissuader la FNAC de se battre lorsqu'un Apple Store ouvrira à côté de l'un de leur point de vente. Apple préfère qu'ils jettent l'éponge plutôt que de proposer à quelques pas de leurs boutiques des machines moins chères.
- Donner l'illusion aux APR qu'ils ont entendu leur multiples demandes d'équité avec la FNAC et dans un premier temps ils seront ravis de l'aubaine même s'ils risquent de déchanter plus tard également avec l'ouverture des Apple Stores qui draineront leurs clients et une partie du personnel.
Mais le plus important pour Apple aujourd'hui est d'éviter que tout revendeur puisse jouer à faire des prix sur ses machines. Officiellement en France, il est interdit à un constructeur de fixer et de bloquer les prix de ses produits. Apple a d'ailleurs perdu une procédure pour cette raison, mais ils ont trouvé un moyen de détourner la loi pour arriver au même résultat. Plutôt que de donner aux vendeurs une marge de X% sur chaque produit fixée dès le départ, ils pratiquent le système de la marge arrière. En résumé, ils proposent au départ une marge frontale de quelques pourcents, 2 à 3 ce qui interdit toute réduction, la vente à perte étant interdite. Le reste est concédé sous forme de marge arrière, en gros de 4 à 11% de plus en fonction des produits vendus, mais aussi d'autres critères comme la localisation du point de vente, son volume de vente, le nombre de boutiques du groupe, la présence ou pas des machines en exposition, de parquet au sol, de mobilier spécifique...
Vous l'aurez compris, la marge arrière est celle qui donne le pouvoir presque total à Apple sur son réseau de distribution. Soit on obéit, soit on gagne moins d'argent.
Mais là encore, l'arrivée des Apple Stores plane sur toutes les discussions entre Apple et ses revendeurs comme une ombre maléfique. C'est d'autant plus vrai que Store et revendeurs sont gérés par deux entités différentes sans concertations. Ainsi, alors que les responsables des APR les poussent à démultiplier parfois de manière étrange leurs points de vente, des projets d'Apple Stores sont en cours d'élaboration à peu de distance. Mais pour Apple ce n'est pas un problème. Ils ont aujourd'hui besoin d'annoncer l'ouvertures d'APR un peu partout quitte à les voir fermer ensuite lorsqu'ils n'auront plus besoin d'eux.
Bien qu'elle soit peut acceptable d'un point de vue moral, cette politique pourra marcher pour peu qu'une fois le premier Apple Store ouvert les autres suivent de près et ce sera certainement le cas. En revanche, les prochaines années promettent une transition difficile et douloureuse pour certains car Apple va reprendre sans la moindre considération pour les autres sa distribution en main comme ils l'ont déjà fait aux Etats Unis. Les seuls qui arriveront à résister seront soit dans des coins éloignés des boutiques d'Apple, soit ceux qui arriveront en force à se recentrer sur les marchés n'intéressant pas encore Apple comme celui des professionnels.