Un inquiétant témoignage sur la rétention de données des SSD
Un témoignage publié sur le blog de KoreLogic, une société spécialisé dans la sécurité, a de quoi inquiéter les propriétaires de SSD.
Constatant qu'une machine restée plusieurs mois à l'arrêt ne reconnaissait plus son SSD au démarrage, alors que celui-ci était parfaitement fonctionnel avant rangement de la machine, l'auteur est allé se plonger dans les spécifications du JEDEC (un organisme de normalisation spécialisé dans les mémoires flash et RAM) au sujet des SSD. Et il en a sorti des chiffres inquiétants concernant la durée de rétention d'un SSD éteint...
On savait déjà que la durée de rétention des données sur les mémoires flash est bien plus réduite que sur les supports magnétiques ou des supports optiques de bonne qualité. Selon les documents cités par KoreLogic, cette durée de rétention serait en outre affectée fortement par la température : plus le SSD est chaud en usage, plus la durée de rétention augmente, mais à l'inverse, plus il est chaud à l'arrêt, plus elle diminue.
Le JEDEC a défini deux catégories de spécification pour les SSD : ceux à destination d'un usage grand public ("Client") doivent conserver un taux d'erreur irrécupérables en lecture inférieur à 10-15 pour 8h de fonctionnement à 40° par jour et avec une durée de rétention d'1 an à 30°. Cela signifie donc qu'un SSD de 1 To. Les SSD "Entreprise" doivent pour leur part assurer un taux d'erreur inférieur à 10-16 pour un fonctionnement 24h/24 à 55° et assurer une durée de rétention de 3 mois à 40°. L'endurance des SSD, définie en To de données écrites (TBW), doit être une valeur définie de telle sorte que le SSD respecte ces spécifications tant que le volume effectivement écrit sur le SSD ne dépasse pas TBW.
Dans l'absolu, ces chiffres ne sont pas vraiment un problème : le taux d'erreurs est meilleur que celui de bon nombre de disques durs (souvent à 10-14 ou 10-15), et la durée de rétention est suffisante pour la plupart des usages courants.
Mais les choses se corsent rapidement quand un SSD inutilisé est stocké dans de mauvaises conditions : chaque tranche de 5 degrés au-dessus de la température de stockage prévue par les spécifications JEDEC divise par deux la durée de rétention et chaque tranche de 5° en dessous de la température d'utilisation la diminue d'un peu moins de 50%... Ainsi, un SSD de classe "Entreprise" (classe qui serait en pratique utilisée aussi pour les SSD grand public) garantissant 3 mois de conservation à 40° s'il a été utilisé à 55° ne garantit plus que 1 semaine s'il est stocké à 40° après avoir été utilisé à 25°...
Histoire de ne pas sombrer dans la panique, rappelons quand même que ces durées de rétention doivent être garanties pour toute la durée de vie du SSD. Il s'agit donc de la durée de rétention restante sur un SSD dont les cellules sont en fin de vie, et cette durée est sans doute largement supérieure pour un SSD neuf (en 2008, Hardware.fr indiquait que la durée de rétention selon les normes JEDEC était de dix ans pour une cellule neuve et un an pour une cellule en fin de vie). On peut en outre supposer que, à l'instar du taux d'erreur de lecture, la durée de rétention n'évolue pas linéairement avec l'usure et reste en réalité relativement stable pendant le gros de la vie du SSD, avant de chuter fortement en fin de vie.
Au final, on ne saura sans doute jamais si les problèmes rencontrés par le SSD de KoreLogic sont liés à une durée de rétention trop faible (on peut toutefois en douter, à moins qu'il ne s'agisse d'un SSD qui était déjà très usé), mais cette histoire est l'occasion de découvrir plus en détail les limites du stockage sur mémoire flash et de rappeler que les SSD, les clés USB, ou encore les cartes mémoire ne sont pas des supports adaptés à l'archivage de données, l'absence de pièces mécaniques n’étant pas une garantie de fiabilité dans le temps. Le mot d'ordre reste donc le même qu'avec n'importe quel autre support de stockage : sauvegardez, sauvegardez, sauvegardez. Oui, trois fois minimum.