RIM lance son nouvel OS et change de nom
Alors qu'elle était au sommet de sa gloire il y a quelques années, RIM a raté le virage grand public du secteur des smartphones, et ses parts de marché ne cessent de s'éroder. Mais avec son nouveau système BlackBerry 10, lancé il y a quelques jours, la société compte bien faire table rase du passé et se relancer sur ce secteur en pleine croissance. Pour marquer le coup, la société a d'ailleurs même changé de nom, pour reprendre celui de sa marque fétiche : RIM s’appelle désormais BlackBerry.
Comme RIMBlackBerry joue à quitte ou double avec ce nouveau système, le constructeur s'est permis de le revoir très en profondeur, et le système 10 est donc radicalement différent du système existant. Il repart en fait sur la base QNX que BlackBerry avait déjà utilisée pour sa tablette PlayBook, qui n'a pas connu un grand succès pour l'instant.
Par-dessus cette base commune, BlackBerry a développé une nouvelle interface adaptée aux écrans de smartphones. Une interface qui, si elle est moins radicale que celle de Windows Phone, risque quand même d'en dérouter plus d'un, en raison d'une petite originalité : BlackBerry ne s'est pas contenté de supprimer les boutons physiques, comme l'a fait Google depuis Android 3, mais a carrément aussi supprimé les boutons virtuels ! Toute l'interface de ce nouveau système s'appuie donc sur des gestes, qu'il faudra mémoriser, sous peine de se retrouver rapidement coincé. Ils sont heureusement assez simples. Par exemple, depuis n'importe où, un balayement du bas de l'écran vers le haut déclenchera un retour vers l'écran d'accueil, tandis qu'un mouvement en L inversé permet d'afficher le BlackBerry Hub.
Cette fonction est grosso modo l'équivalent du centre de notifications d'iOS, centralisant donc l'ensemble des notifications, mais combiné en plus au client mail, pour lequel il fait office de boîte de réception, mais aussi à divers autres systèmes de communication, y compris ceux appliqués par des applications tierces (SMS, téléphone, réseaux sociaux...). Une unification qui peut s'avérer bien pratique, même si le mélange entre les notifications et la messagerie peut parfois apporter un peu de confusion.
L'écran d'accueil est pour sa part une sorte de mélange entre celui de Windows Phone et celui d'iOS : le premier écran contient les dernières applications utilisées (jusqu'à 8) sous forme de grandes icônes ou de widgets dynamiques, tandis que le second écran liste l'ensemble des applications sous forme de grille d'icônes. D'après les premiers retours de The Verge, le premier écran serait toutefois assez déroutant, de par le manque de contrôle dont dispose l'utilisateur dessus. Impossible par exemple d'y garder une application en permanence ou de l'organiser, seul compte l'ordre d'utilisation des applications.
BlackBerry a également grandement progressé sur la partie clavier virtuel de son système. Habitué à vendre des appareils dotés d'un clavier physique, le constructeur avait quelque peu négligé ce point sur ses premiers modèles tactiles, mais a cette fois proposé un clavier qui semble à la fois efficace et original. Le constructeur a repris le principe de la liste de suggestion en cours de frappe, mais au lieu d'afficher cette liste sur une ligne au-dessus du clavier, chaque mot est affiché au-dessus de la prochaine lettre qu'il faudrait taper pour le composer. Par exemple, après avoir écrit "bon", le clavier affichera "bonjour" au-dessus de la lettre J. Engadget va d'ailleurs jusqu'à considérer ce nouveau clavier comme le meilleur disponible nativement sur un OS mobile.
Côté matériel, BlackBerry a présenté pour l'instant deux modèles : le Z10, tout tactile, avec un design très classieux, visant clairement le grand public, et le Q10, qui reprend le bon vieux clavier physique de la marque, et ciblera donc probablement plus les anciens clients, majoritairement professionnels (même si depuis quelques temps BlackBerry semble avoir fait une belle percée auprès des adolescents). À noter que le Z10 est proposé en deux versions aux performances différentes : une version 3G (HSPA) dotée d'un processeur TI OMAP 4470 et une version 4G (LTE) embarquant un Qualcomm Snapdragon S4 Plus (MSM8960), dont les performances seraient environ 30% supérieures. C'est ce dernier modèle qui sera distribué en France.
Reste à parler de l'écosystème. Ce point est devenu un point clé pour le succès d'un OS : sans une bonne bibliothèque d'applications, BlackBerry 10 n'aura aucune chance de survie. Pour arriver rapidement à un grand nombre d'applications, BlackBerry a une botte secrète (enfin pas si secrète que ça, puisqu'on la retrouve aussi sous Tizen) : la compatibilité avec les applications Android. Ainsi, BlackBerry annonce 70 000 applications dès le lancement, dont une bonne partie ont été portée depuis Android. Malheureusement, The Verge souligne que, si la quantité est là, la qualité, elle, fait défaut. Une partie des applications sont des mauvaises adaptations d'applications initialement dédiées à la PlayBook, tandis que l'intégration des applications Android est tout simplement inexistante... En effet, plutôt que d'avoir porté la machine virtuelle Dalvik vers son système (solution choisie pour Tizen, qui utilise OpenMobile ACL), BlackBerry est allé au plus "simple" : une machine virtuelle exécutant Android 2.3. Non seulement ce choix limitera donc les applications portées, en étant incompatible avec les applications Android nécessitant une version plus récente de l'OS (elles sont heureusement encore rares), mais en plus, l'intégration est du coup déplorable, puisque le thème visuel des applications ainsi portées n'est pas celui de BlackBerry 10, mais celui d'Android 2.3, que BlackBerry ne s'est même pas donné la peine d'adapter pour le rapprocher du thème natif. Ouch ! Le coup de grâce sur ce point viendra du choix de packaging adopté par BlackBerry : les applications Android ne pourront pas être installées directement à partir d'un paquet Android APK (alors que, là encore, ce sera possible sur Tizen), elles devront avoir été repackagées par leur éditeur dans un format spécifique à BlackBerry 10, pour être distribuées sur l'App World.
BlackBerry s'en sort heureusement un peu mieux sur la partie multimédia, avec une boutique de films, série et musique plutôt complète, dont le plus gros défaut est de ne pas proposer la lecture en streaming.
Au final, le bilan de ceux qui ont pu tester l'appareil et le système est donc plutôt mitigé. Le matériel est plutôt dans la bonne moyenne pour son prix, le système n'est pas mauvais, mais il n'est pas non plus franchement mieux que ce que fait la concurrence, et risque donc d'avoir du mal à se faire une place, avec trop peu d'arguments pour convaincre les utilisateurs d'iOS et d'Android de changer de système, en perdant leurs habitudes et leurs applications. Il reste tout de même une base bien meilleure que l'ancien système pour l'avenir de BlackBerry, qui devra désormais travailler à peaufiner son écosystème pour faire de BlackBerry 10 son sauveur. Espérons qu'il y parvienne, avoir une troisième ou une quatrième plateforme de poids dans le secteur ne serait sans doute pas un mal pour dynamiser le marché et empêcher les deux leaders de se reposer sur leurs lauriers.