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MacBidouille

Xserve ? Apple n'a pas tenu ses " promise "

Pour l'immense majorité d'entre nous, l'annonce de l'abandon de la gamme Xserve par Apple a été mal vue, mais surtout vue de loin car nous n'utilisons pas ces machines au quotidien. Nous avons eu l'opportunité d'en parler avec Frédéric Blaison qui cumule les intéressantes choses d'avoir été longtemps journaliste dans le monde Mac et depuis quelques années administrateur d'un parc de Xserve. Nous lui donnons avec plaisir la parole pour un avis doublement éclairé.

Retour en arrière. Je suis à l'époque journaliste. Univers Macworld venait d'être cédé au groupe TESTS pour redevenir Univers Mac… C'était l'époque des espoirs pour Apple. Une époque pas si lointaine où une amie Américaine me confiait sans rougir : " Apple ? Il ne leur reste plus que le design à ceux-là ! ". Je me souviens avoir livré, à cette époque, un papier détaillé, un papier enthousiaste, sur la stratégie de la firme en direction du monde de l'entreprise. On y parlait sans rougir de calcul partagé en réseau, d'offre " rackable " sans équivalent sur le marché. C'était l'époque où Virginia Tech mettait au monde un immense cluster doté d'un millier de Xserve.
Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts de nos espoirs, et pas seulement en raison de la fonte annuelle des neiges…  Chaque page de l'histoire, chaque hiver ont effacé les espoirs des gurus techniques du Mac que nous sommes, ou prétendons être. Apple a fait des choix. Plus exactement : Steve Jobs a fait " ses " choix. Il n'a sans doute jamais été passionné par le monde de l'entreprise, tant le modèle qu'il avait mis en place chez NEXT l'avait emprisonné dans un marché de niche. Là où Steve Jobs a été un génie, c'est qu'il a su imposer ce modèle et les techniques qui ont fait le succès de NEXT en direction du grand public. Hier maître d'un bateau qui sombrait sous les flots d'une révolution audio quasi loupée (souvenons-nous dans quel contexte iTunes et iPod sont nés et d'un fameux mail retentissant envoyé en interne aux cadres d'Apple estampillé d'un " We have missed the boat " retentissons). Aujourd'hui Steve Jobs est à la tête d'un petit empire où il dicte l'avenir de nos loisirs numériques. Si beaucoup aujourd'hui filent vers Androïd, il ne faut pas oublier qu'Apple a redessiné et créé le marché des Smartphones. Si aujourd'hui beaucoup ne peuvent plus se passer du WiFi au quotidien, c'est parce qu'Apple, hier, a démocratisé la technologie au travers d'Airport. 
Apple use toujours de la même stratégie : mise sur le marché d'un produit très " high tech " et révolutionnaire, un produit qui crée le buzz sur Internet, mais un produit qui tâtonne sur le marché et qui ne répond que partiellement, dans un premier temps, au besoin réel de l'utilisateur. Tant que les grands médias font l'éloge de la nouvelle révolution, tout va bien au royaume de Cupertino. Si cette stratégie fonctionne avec le grand public, et les aficionados d'Apple, elle est inconcevable avec le monde de l'entreprise. Là où un consommateur peut se laisser guider par les chants des sirènes de la société de consommation, une DSI doit faire face à des choix pragmatiques, des choix dictés par une forte nécessité de se justifier sur des investissements souvent lourds et qui se paient " cash " au quotidien sur le terrain.
J'ai rejoint le monde de l'entreprise il y a maintenant 3 ans, après avoir passé près de 8 belles années dans la presse Mac. Des conférences QuickTime Live à Beverly Hills aux Macworld Expo estivales à Manhattan, sans compter ces " Developer party " avec concerts privés : j'ai été plus que gâté. J'ai rejoint à titre personnel le programme des développeurs Apple dès la fin des années 90, et je ne l'ai jamais plus quitté depuis, tantôt simple membre en ligne, tantôt membre Select, tantôt développeur, tantôt testeur. J'ai connu les naissances de Mac OS 8 et 9, la mise en place de Mac OS X et les virages pris par Apple. J'ai toujours été persuadé de ce que pouvait apporter tant en terme d'ergonomie que de productivité les solutions d'Apple.
La fin de Xserve, la manière dont elle est orchestrée dans une quasi indifférence, me posent quelques problèmes d'étique. Plus j'ai avancé dans le monde de l'entreprise et plus j'ai dû me confronter à d'autres technologies, dont j'avais souvent parlées sur le papier ; des solutions peu " sexy " comme celles proposées par Microsoft. Plus j'ai senti à quel point Apple avait démissionné depuis un bail de ce petit segment peu lucratif que représentent les solutions " pros ". Je me suis souvent interrogé sur l'essence même de Xserve. N'avait-il pas été créé dans l'unique but de séduire certains décideurs des grands studios Hollywoodiens ? … Le premier signal d'alarme a raisonné dans mon esprit par la difficulté avec laquelle Apple a permis la virtualisation de Mac OS X Server. Alors que dans les datacenters, les baies informatiques laissaient place à des serveurs taillés sur mesure pour les solutions de VMware, Apple a fait le choix d'abandonner sa baie Xserve RAID au profit de solutions tierces comme les baies vendues par Promise. Un premier signal d'alarme donc. Pis, évoluant dans un environnement hétérogène, j'ai été confronté à de sérieuses difficultés. Alors qu'un de nos Xserve basé sur une architecture PowerPC G5 avec Mac OS X Server Tiger nous lâchait un beau matin de Mars en pleine prod, nous avons fait le choix de renouveler notre confiance dans la solution d'Apple. Nous nous sommes équipés de plusieurs Xserve basés sur une architecture Intel, nous avons migré les systèmes vers Mac OS X Server Leopard faute de pouvoir conserver notre configuration sous Tiger. La transition a été douloureuse. Pour survivre dans le monde des solutions Xserve, il faut compter sur le retour des participants de la mailing-list dédiée d'Apple. Je ne connais qu'une poignée de personnes sur la place de Paris pouvant vraiment se vanter de connaître Mac OS X Server sur le bout des doigts. Malgré mon expérience, qui est conséquente, je ne leur arrive pas à la cheville. Perdu face à un crash inexpliqué ? Si vous contactez le support AppleCare, vous recevez en retour un support de niveau 1 dans tous les sens du terme. Votre problème est analysé de la même manière que celui d'un utilisateur d'iPhone qui rencontrerait un souci pour activer son téléphone ! Vous me trouvez intraitable ? Non, j'en ai fait l'amère expérience. On vous renvoie vers de la documentation technique dont, vous vous doutez bien, vous avez déjà pris connaissance. Si votre difficulté représente un problème sérieux (comme la stabilité du serveur), on vous propose de souscrire à un support dédié et fort coûteux représentant plusieurs centaines de dollars… Quand vous devez faire cohabiter un parc de clients Mac et de PC, vous avez le réflexe de choisir de faire cohabiter des protocoles antagonistes par excellence : Appleshare et Samba. Croyez-moi, c'est une bien mauvaise idée au final tant Windows et Mac OS X interprètent le monde des permissions d'une manière insulaire, chacun de leur côté. La politique du moins pire consistera alors à choisir le protocole le moins restrictif, ici dans cet exemple Samba. Quand vous travaillez avec un Xserve et Mac OS X Server, vous êtes ainsi confrontés à des choix restrictifs au quotidien. J'aurais pu citer le monde des domaines et du netboot. Là où la planète entière se tourne vers la virtualisation, les bureaux déportés avec des solutions du style CITRIX XenDesktop ou VMWare View, Apple s'est bornée à promouvoir ses solutions internes comme Open Directory par exemple. Il faut compter sur des solutions alternatives comme Casper 8 de JAMF software pour pouvoir vraiment prendre en main un parc de Macintosh en réseau.
Mac OS X Server Snow Leopard a apporté un petit souffle d'air frais, réglant les principaux soucis de stabilité. Mac OS X Server se démarque pourtant de par de nombreux avantages, comme la politique des licences. Avec un système Mac OS X Server, il est possible pour 500 € de connecter autant de postes clients que possible, sans restriction. Dans le même temps, Microsoft vous facturera chaque utilisateur connecté via un système complexe de jetons intitulé " CAL ". Mais à quoi bon avoir un système si sophistiqué, quand Mac OS X client est déjà un petit système serveur à lui tout seul … À quoi bon perdre de l'énergie à développer l'innovation autour de Xserve alors qu'un simple Mac mini tient la charge comme serveur dans un environnement moyen, tel qu'une école ou une petite PME ?
Apple propose tout un pan entier de son site vers le monde de l'entreprise (http://www.apple.com/business/ ) : c'est un demi leurre. Si vous regardez bien, vous vous rendrez compte que les témoignages dessinent comment Apple aide ses technologies à s'intégrer dans des réseaux déjà existants. On peut se rendre compte que peu de témoignages parlent directement de Xserve ou de l'infrastructure de l'entreprise. En effet, la stratégie d'Apple s'est progressivement orientée – dans les faits – vers un accompagnement de l'intégration de ses solutions " grand public " ou " semi-pro " dans le monde de l'entreprise. Je m'explique avec plus de clarté. Aujourd'hui, Apple accompagne les professionnels pour intégrer iPhone ou iPad dans un système déjà existant, souvent basé autour des solutions Microsoft, que de promouvoir son propre système Mac OS X Server ou d'expliquer comment tirer profit d'un ensemble de Xserve. Aujourd'hui, Apple met plus de facilité à expliquer comment intégrer Mac OS X client dans un domaine Windows, comment un MacBook Pro est terriblement " Design " et puissant que d'expliquer comment un Administrateur Systèmes pourrait tirer avantage des solutions apportées par Mac OS X Serveur Snow Leopard. Et l'annonce de la fin de Xserve, outre le fait que la méthode est peu élégante, vient sceller dans les faits la démission d'Apple envers l'entreprise et les DSI. Je pense à ces directeurs techniques, plus nombreux que l'on veut bien le faire croire, dont le choix a consisté à s'équiper de plusieurs dizaines de Xserve. Il y en a quelques-uns en France, dans l'audiovisuel comme dans le monde de la communication. Ce sont ces personnes qui sont directement lésées, et à qui Apple aura un peu menti depuis des années. Si Xserve devait répondre aux problématiques de la production audiovisuelle, la firme ne se sera jamais vraiment donnée les armes pour réussir dans ce segment. Apple est restée longtemps sur ses acquis. Un peu comme si elle était restée à la première version d'iPhone et qu'elle avait persisté par des mises à jour mineures. Sauf que dans le cas d'iPhone, le marché s'est montré extrêmement juteux, dans le cas de Xserve et des solutions professionnelles, il n'a continué de toucher qu'une niche comme au bon vieux temps de NEXT. L'arrivée de Mac mini Server aurait sonné définitivement sa fin, tant il est taillé pour le cœur de cible réel de Mac OS X Server : les PME et le monde de l'éducation. Proposer Mac Pro Server comme une solution plus professionnelle est un peu une blague. Qui peut sérieusement imaginer intégrer cette solution dans une baie par exemple ? Non, Mac Pro Server conviendra au monteur audiovisuel indépendant ou à une petite structure avide de puissance de calcul. Il ne faut pas se voiler la face.
Aujourd'hui, Apple ne s'est jamais mieux portée financièrement de toute son histoire. Preuve que la stratégie globale est payante. Mais on le sait, les modes sont faites pour passer. Qui peut affirmer que, demain, Apple n'aura pas besoin à nouveau d'une base solide dans le monde de l'entreprise pour se relancer, voir de la base de ses aficionados ? Apple vient de porter là un coup très sévère à toute une profession qui lui avait accordé sa confiance. Je ne prends toujours pas de plaisir avec les solutions de Microsoft, même si j'ai dû me conforter à l'idée qu'aux yeux des entreprises elles représentent le summum des " best practices ". Au final ; que l'on n'aime ou pas Microsoft Windows Server : ça marche presque sans accroc. J'attends d'un regard inquiet l'arrivée de Mac OS X Lion et je me demande à demi-mot – comme beaucoup – Si Apple nous proposera une version Server de ce système. Je me prépare d'ores et déjà à abandonner ma plate-forme historique pour me tourner vers Linux, plus précisément Ubuntu. Au cas où.

Nous en profitons pour proposer à ceux qui utilisent des Xserve au quotidien de nous apporter aussi leur témoignage sur la manière dont ils prévoient maintenant l'avenir dépourvu de ces machines.

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