Les Suisses soumis aussi à la taxe sur les médias!
Merci à Drine de nous rappeler que la Suisse est aussi soumise aux taxes sur les médias.
Le public suisse s’accorde généralement à reconnaître le bien-fondé de la loi sur les droits d’auteurs, qui assure protection et rémunération aux auteurs d’œuvres musicales, littéraires et cinématographiques, notamment. Il semble en effet logique d’admettre que la création d’une telle pièce représente du travail et d’assurer une rémunération aux artistes, lorsque leur œuvre est utilisée de manière publique et privée. Pourtant, on ignore souvent que nous sommes tous soumis doublement aux redevances relatives aux droits d’auteur, puisque la copie privée, que l’on pense généralement exempte de taxe, fait également l’objet d’une redevance. Introduite dès 1993 sur les supports analogiques (cassettes et mini-discs notamment), cette mesure a été généralisée dès 2002 et touche désormais tant les CD-RW, les CD-R data que les DVD enregistrables. Cependant, si l'introduction de cette taxe a fait l’objet de larges débats au sein de la communauté européenne, l’introduction de ces redevances est passée quasiment inaperçue en Suisse. Il semble donc qu’un petit rappel des faits s’impose.
En Suisse et au Liechtenstein, c’est la SUISA (Société suisse pour les droits des auteurs d’œuvres musicales, équivalent de la SACEM), une coopérative regroupant près de 20'000 artistes, qui s’occupe de la perception des redevances et qui accorde à environ 90'000 clients « l’autorisation d’exécuter, d’émettre, de rediffuser et de reproduire de la musique » , dans le cadre de concerts, de disques ou de passages télévisés ou radiophoniques. Si la SUISA est une société indépendante, son activité se situe dans le cadre légal de la loi fédérale sur le droit d’auteur de 1992, et elle est soumise, de ce fait, à la surveillance de l’Institut fédéral de la Propriété intellectuelle, ainsi qu’au contrôle de la Commission arbitrale fédérale et de Monsieur Prix, en ce qui concerne les tarifs qu’elle pratique. Toute diffusion de musique est donc soumise à la redevance sur les droits d’auteur. La seule exception est l’utilisation d’un morceau dans le cadre de la sphère privée, qui comprend la famille et les amis proches.
Le public suisse est en outre soumis à la taxe de radio-diffusion de Billag, organisme du même type que la SUISA mais soumis au contrôle de l’Office Fédérale de la Communication, et qui reverse la redevance aux radios et télévisions suisses.
La règle semble donc claire à ce propos et l’on est surpris, en lisant la loi sur les droits d’auteur et les droits voisins du 9 octobre 1992, de constater que cette exception ne trouve que peu d’application, sur le plan pratique. En effet, l’achat d’une œuvre couvre le prix des droits d’auteurs et son utilisation dans la sphère privée. Toutefois, une redevance est imposée à l’utilisateur dès qu’une copie est faite, même si cette reproduction est effectuée dans le cadre strictement privé. La loi de 1992 soumet les supports vierges à une redevance selon les tarifs suivants :
Cassette vierge :33 centimes par heure d’enregistrement (22cts €)
Cassette vidéo vierge : 46 centimes par heure d’enregistrement (31 cts €)
CD-R data et CD RW : 6 centimes pour une capacité de mémoire de 525 MO ou 60 minutes de lecture(4cts €)
DVD enregistrable : 1.84 francs pour 4.7 GO, à adapter proportionnellement à la capacité du DVD choisi.(1€23)
(détail des taxes disponible ici.
Il résulte de ce texte un certain nombre de situations totalement absurdes. Le citoyen lambda a le droit d’écouter gratuitement son CD chez lui. Or, la compensation versée à l’auteur est comprise d’office dans le prix d’achat d’un album. De plus, s’il souhaite faire une copie de son disque pour l’écouter dans son auto, l’utilisateur paie en sus les mêmes droits sur le support utilisé pour cette copie, alors que l’oeuvre est non seulement utilisée dans le cadre privé, mais encore par une seule et même personne. Faut-il encore bien sûr que le citoyen lambda soit capable de copier le média qu’il possède, en contournant les protections CD et DVD, qui sont une astreinte au droit à la copie privée. C’est sans parler des personnes qui utilise les médias (CD et DVD) dans un tout autre contexte que la copie d’une œuvre soumise aux droits d’auteurs.
Si le grand public ignore généralement l’existence d’une telle taxe, cela provient certainement du fait que le consommateur n’est soumis qu’indirectement à ces mesures, puisque la redevance est payée par les importateurs ou les fabricants de supports enregistrables, qui répercutent ces tarifs sur les prix de vente. Gageons que l’utilisateur de CD ou de DVD vierges aurait été prompt à réagir, si l’on avait appliqué ouvertement cette redevance.
Il est inadmissible que les utilisateurs puissent être considérés comme des délinquants ou comme des vaches à lait, lorsqu'ils achètent un simple support informatique. Il est vraiment temps que les choses bougent!