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MacBidouille

Abandon d'Aperture, un pro témoigne

Nous donnons la parole à Philippe, qui nous donne son sentiment sur l'annonce faite par Apple de se désengager d'Aperture.

Un sentiment d'immense trahison, teinté de désespoir…

Apple feint d'ignorer que son histoire est intimement liée à des milliers de très petites entreprises que ses actuels dirigeants n'hésitent pas à laisser au bord du chemin de leur reconversion vers un objectif de mass market connecté.
J'ai vu se transformer au début des années 80 mon métier de (jeune) journaliste par le miracle de l'Apple II . Apple a permis - à moi comme à beaucoup d'autres -, par la simplicité d'une interface qui permettait d'investir son intelligence dans les projets les plus divers sans se préoccuper de technologie complexe, ainsi que par la fiabilité de machines performantes et increvables, de développer une activité professionnelle et des entreprises. Et c'est en grande partie grâce à Apple, que nous avons défendu et que nous avons financé, que nous sommes devenus des "pros" reconnus dans nos domaines respectifs. Chaque innovation nous emmenait plus loin, qu'il s'agisse du matériel, du système ou des logiciels Apple.
Quand la photo s'est réellement affirmée comme définitivement non analogique (circa 2005) est apparu Aperture, un logiciel de classement de photos conçu avec une interface réellement novatrice. Il suffisait alors d'aller voir Lightroom à ses débuts pour ne pas en vouloir (l'interface chez Adobe est toujours un problème).
Aujourd'hui Aperture me sert à gérer une gigantesque photothèque (200 000 clichés) qui est à la base de toute notre production de magazines et de livres. Nous sommes deux avec 3 collaborateurs extérieurs. Tout passe par mon MacPro 2009.
Alors que l'apparition du MacPro 2013 nous donnait quelque espoir de continuité, voilà qu'Apple nous coupe les bras en abandonnant définitivement Aperture pour un hypothétique remplaçant multicartes que l'on n'est pas certain de vouloir. J'ai failli commander un MacPro la semaine dernière car j'ai un peu temps depuis la parution de notre numéro d'été, pour mettre à profit son interface Thunderbolt et j'ai commencé à sécuriser notre photothèque en 2 parties sur un 20 To LaCie BigDisk…sous Aperture.
Tout recommencer sous Lightroom ? J'ai un peu consulté les blogs sur la conversion, c'est un cauchemar de temps perdu.
D'autant que l'on n'est absolument pas sûr que Adobe ne décide pas plus tard de "CC-iser" Lightroom avec sauvegarde sur le Cloud. Ce dont aucun utilisateur pro ne peut vouloir.
Un logiciel a toujours des défauts, on apprend à les surpasser, on en change vraiment quand cela devient impossible à gérer (souvent lorsque la compatibilité n'est plus assurée avec de réelles améliorations du système sur des machines plus puissantes). Mais devoir changer d'univers, réapprendre tout un fonctionnement dont on n'a rien souhaité, c'est consacrer du temps, de l'énergie (et de l'argent) à des conversions qui n'ont aucune raison d'être.
Pour tous les MacUsers "canal historique", le sentiment d'abandon par Apple est persistant depuis longtemps. Mais là, on pense presque à du sabotage. Apple ne peut pas ignorer mettre en difficulté des entreprises de montage vidéo quand il impose le changement radical du jour au lendemain de Final Cut Pro, des photographes professionnels avec la disparition d'Aperture ; demain des musiciens et des studios avec la suppression de Logic Pro, des gestionnaires de bases de données avec la suppression de Filemaker… ? Autant de petites entreprises passées au broyeur d'un certain hégémonisme américain.
Il me semble que l'avenir que nous proposent les grandes entreprises américaines est un peu réfléchi à court terme, avec une confiance absolue dans le "rien de grave ne nous arrivera jamais". Nous nous retrouvons prisonniers de la dépendance de cette industrie à la versatilité des marchés financiers, et à leur travers spéculatif qui n'interdit pas de nouveaux krachs et … à la possibilité d'une catastrophe comme la destruction complète d'une ferme de serveurs par exemple. La fin de Kodak, celle probable de Nintendo, et de tant d'autres nous prouvent qu'il n'y a aucune pérennité à attendre de ces entreprises. Le fait qu'elles nous engagent désormais systématiquement vers des voies de plus en plus délicates en matière de sécurité des données, de sauvegarde de la matière brute que nous produisons, tout en nous imposant de les leur confier est encore plus inquiétant.
Finalement, que faire de notre dépendance à des fournisseurs de solutions matérielles et logicielles si versatiles ? Je n'ai pas de réponse. Juste un grand sentiment d'impuissance, de déception et de ras-le-bol. Mais l'homme est fait pour s'adapter, nous trouverons forcément une solution !

Bien entendu nous faisons confiance à tous ceux qui devront gérer une transition, mais ce ne sera bien entendu pas facile et générateur de beacoup de tracas.

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