OS mobiles : la guerre ne fait-elle que commencer ?
Alors que le marché des OS mobiles était relativement calme il y a quelques années, partagé entre Windows Mobile, Blackberry OS et Symbian, dont les parts de marché variaient relativement peu, l'arrivée d'iOS en 2007, puis d'Android un an plus tard ont profondément bouleversé ce marché, en le réorientant vers le grand public. Seul RIM OS y a survécu, Symbian étant abandonné par Nokia, tandis que Windows Phone peine à retrouver les parts de marché de son ancêtre.
Après une année 2012 relativement stable, qui n'a vu que la confirmation des grandes tendances observées en 2011, on aurait pu penser que la guerre des OS mobiles était en passe de se terminer, du moins sur le marché des smartphones.
C'était sans compter sur deux nouveaux OS mobiles qui vont arriver prochainement, et tenter à leur tour de piquer des parts de marché aux deux leaders en place...
Commençons par le plus menaçant, qui arrivera dès 2013 : Tizen. Ce nom ne vous est peut-être pas étranger, cet OS ayant été annoncé il y a plus déjà plus d'un an. Il est principalement soutenu par trois acteurs, et non des moindres : la Fondation Linux, Intel et Samsung. Ce dernier a d'ores et déjà annoncé qu'il sortira son premier smartphone Tizen au Japon cette année, probablement au premier semestre. Un OS Samsung, ce n'est pas franchement nouveau, puisque le Coréen avait déjà un OS maison pour ses appareils d'entrée de gamme (Bada), mais cette fois, c'est le segment haut de gamme que Samsung vise, en s'attaquant donc frontalement à son partenaire Google et à Apple. Tizen devrait bien entendu supporter les smartphones à base de processeur x86, mais aussi les modèles ARM.
Un OS mobile n'ayant plus aucune chance sans un bon catalogue d'application, Tizen mise, au moins dans un premier temps, sur la compatibilité avec les applications Android. Un point qui risque de ne pas faire plaisir un Google, et pourrait peut-être expliquer un tout récent changement au niveau du SDK Android : s'il reste open-source, il hérite d'une licence subtilement modifiée, qui interdit désormais toute utilisation non explicitement autorisée par la licence, fermant ainsi la porte à tout nouveau fork du SDK. Une précaution au cas où Samsung serait tenté de faire un SDK Tizen basé sur le SDK Android ? Fini la liberté...
L'autre nouvel acteur, qui arrivera en fin d'année, voire en début d'année prochaine, c'est Canonical, l'éditeur de la distribution Linux Ubuntu, qui va adapter cette dernière aux smartphones (mais également aux tablettes et aux TV connectées). Après avoir séduit plusieurs grands constructeurs d'ordinateurs, Canonical espère donc faire de même avec les constructeurs de smartphones. L'éditeur risque par contre de se heurter à des difficultés côtés applications, car contrairement à Tizen, Ubuntu nécessitera des applications spécifiquement développées pour lui. En contrepartie de cette contrainte, Canonical mise sur un développement dans des langages plus bas niveau (C/C++), plutôt que sur des applications s'exécutant en machine virtuelle, ce qui devrait permettre des performances plus élevées et faciliter le portage d'application Ubuntu PC vers Ubuntu smartphone. Là aussi, la compatibilité sera assurée avec les processeurs ARM et x86, mais, développement natif oblige, ce ne sera pas une mince affaire du côté des applications.
Le principal atout d'Ubuntu pour smartphone pourrait résider dans sa capacité à s'adapter à un grand écran et à un couple clavier souris pour transformer le smartphone Ubuntu en véritable PC sous Ubuntu, avec une vraie interface d'ordinateur, et pas simplement une interface mobile agrandie. Canonical avait déjà fait il y a quelques temps une démonstration d'Ubuntu pour Android, qui permettait de transformer un smartphone Android en ordinateur Ubuntu en le connectant à un dock. Canonical mise également sur une fragmentation moins importante que dans le monde Android, en limitant les modifications d'interface effectuées par les constructeurs de smartphones.
Enfin, en plus de ces deux nouveaux acteurs, il ne faut pas encore enterrer Windows Phone, qui n'a pas dit son dernier mot, ni Mozilla, dont le Firefox OS pourrait également venir jouer les trouble-fête s'il parvient à convaincre quelques constructeurs.
Derrière ces annonces se profilent aussi des évolutions importantes du côté des applications... En effet, la multiplication des plateformes mobiles ne va pas faciliter la tâche des développeurs, qui doivent déjà jongler entre plusieurs OS très différents et faire avec la fragmentation logicielle et matérielle. Ces complications pourraient les pousser à revenir aux applications web (éventuellement empaquetées dans une application native) en HTML5, pour réduire au strict minimum le code spécifique à une plateforme donnée. De quoi espérer pouvoir à terme passer plus facilement d'une plateforme à l'autre en conservant toutes ses applications...
On le voit donc, la guerre est encore loin d'être jouée. Si iOS pourrait être relativement épargné, ce ne sera pas le cas d'Android, qui sera très exposé, en particulier face à Tizen. iOS pourrait peut-être même en profiter, l'affaiblissement d'Android pouvant inciter certains développeurs à privilégier à nouveau iOS, d'autant plus que même avec sa part de marché actuelle face à Android, iOS reste privilégié par de nombreux développeurs, grâce à nombre réduit d'appareils et de versions à gérer.
L'évolution dans les deux ou trois années à venir risque fort d'être particulièrement intéressante à suivre, et bien malin celui qui saura prédire la part de marché des différents OS en 2015... Les paris sont ouverts. Espérons tout de même que face à ces nouveaux concurrents, les acteurs en place riposteront plus par l'innovation que par la voie judiciaire.